Usine d’alumine de Gardanne Qui veut de cet héritage !
Handicap de vétusté.
L’usine d’alumine de Gardanne est une vielle dame. Née en 1893, elle a atteint l’âge canonique de 127 ans ! Elle a subi de nombreux traitements de rénovation de certaines unités, de remplacements de certaines canalisations, mais des fuites se sont déjà produites dont une importante dans la nuit du 8 au 9 mars 2016.
La rupture d’une canalisation a généré un nuage toxique sur Gardanne contenant de la soude. Les rues, trottoirs, terrasses, voitures furent recouverts d’un dépôt blanchâtre persistant, même après lavage. L’affaire fut prise très au sérieux par les autorités préfectorales, municipales, policières et environnementales.
L’usine est constamment sous cette menace.
Handicap de vétusté et de fuites du sea-line.
Des observations en plongée de professionnels et l’analyse des images de vidéos sous-marines ont montré que cette canalisation sous-marine de transport des effluents pollués est percée à certains endroits de son parcours. Un état déplorable d’une tuyauterie qui date de plus de 50 ans qui fera l’objet de plaintes renouvelées.
Handicap financier.
Les analyses en profondeur, avec dossiers en références, de notre spécialiste des finances et de l’économie industrielle, Monsieur Michel Mazzoleni, ont montré un déficit (en rouge) notoire de l’usine d’alumine de Gardanne.
Rubriques/années | 2013 | 2014 | 2015 |
Chiffres d’affaires export | 155.983.600 | 155.299.461 | 162.506.596 |
Chiffres d’affaires France | 48.558.600 | 49.837.773 | 49.040.864 |
La France représente | 24 % | 24 % | 23 % |
Résultats d’exploitation | -13.091.700 pertes | -13.141.194 pertes | -13.670.637 pertes |
Résultats net bilan | -11.648.900 pertes | -13.714.476 pertes | -12.002.506 pertes |
Rubriques/années | 2016 | 2017 | 2018 |
Chiffres d’affaires export | 206.688.323 | 219.897.192 | 243.015.048 |
Chiffres d’affaires France | 43.247.948 | 45.626.760 | 46.017.338 |
La France représente | 21 % | 21 % | 19 % |
Résultats d’exploitation | -16.14.431 pertes | -8.555.604 pertes | 5.364.129 |
Résultats net bilan | -14.593039 pertes | 8.419.343 | 2.691.108 |
Déjà, fin 2018, les pertes d’exploitation étaient considérables : 59.235.437 euros pour un capital social de 60.000.000 d’euros ! A ces pertes chroniques vient s’ajouter, la chute annoncée de 30 % du chiffre d’affaire au troisième trimestre 2019.
De plus ce bilan ne tient pas compte des aides dont a bénéficié l’industriel et qui risquent de ne pas être renouvelées :
Redevance sur l’eau et la pollution diminuée de plus de 11 millions d’euros par an, depuis 2012.
Aides de l’Agence de l’eau de l’ordre de 20 millions d’euros.
.Décharges en mer et à terre sont gratuites.
Le placement en redressement judiciaire est l’exact reflet d’un tel bilan, dont la responsabilité incombe aux dirigeants.
Handicap de l’achat du minerai.
A l’origine, le minerai se trouvait en France, mais les gisements ont été très vite épuisés. L’industriel se trouve ainsi dans l’obligation d’acheter la bauxite en Guinée ; son coût est augmenté des frais de transport de ce pays d’Afrique à Gardanne.
Handicap de la concurrence.
L’usine d’alumine de Gardanne se trouve en concurrence défavorable considérable avec 9 usines d’aluminerie, nouvelles et modernes, implantées en Guinée, bénéficiant du minerai sur place et d’une main d’œuvre bon marché.
Handicap environnemental.
En mer. Il n’est plus tolérable que les effluents liquides pollués (plus de 80 polluants très toxiques) continuent à être rejetés dans les eaux du Parc national de Calanques portant atteinte à la vie marine. Le repreneur sera tenu de supprimer ce rejet et par conséquent de se doter d’une station d’épuration, épurant à 100 % avec recyclage des eaux. Une telle opération a un coût qui peut être très élevé. Par ailleurs, il n’est pas tolérable que les dépôts de 20 à 30 millions de tonnes des boues rouges qui recouvrent la vie marine sur les grands fonds qui s’échelonnent de Toulon à Fos-sur-Mer, ne donne pas lieu à une indemnité environnementale.
A terre. Les dépôts de résidus industriels pollués (même si on leur a donné le nom pompeux de « bauxaline ») sur le site de Mange Garri ne sont plus tolérables. L’impact des percolations sur les réseaux des eaux et la menace sur la santé des habitants, par envolement par grand vent vers les zones habitées sont des raisons suffisantes pour interdire ces dépôts.
D’ailleurs, les maires des communes voisines concernées viennent de porter plainte pour atteinte à la santé d’autrui. Il s’agit de Monsieur Richard Mallié, Maire de Bouc-Bel-Air et de Monsieur Philippe Ardhuin, Maire de Simiane-Collongues.
La position du Maire de Gardanne sera connue après les élections municipales. Une enquête est en cours aussi sur la probabilité de contamination des cultures et de celle des jardins partagés.
Le temps est venu de ne plus tolérer de telles atteintes aux milieux marins et terrestres et de rappeler le respect que nous devons avoir pour les biens communs naturels. Ceci d’autant plus que les techniques existent et ont fait leur preuve pour éliminer les déchets liquides et boueux sur le territoire de l’usine et de ne plus les rejeter à l’extérieur. Ces questions seront traitées au niveau de la justice à l’initiative des associations et des municipalités.
Handicap des plaintes des habitants et des municipalités.
Les habitants des communes voisines de l’usine sont arrivés à un tel point d’exacerbation, qu’ils sont à l’origine de la création de l’association Bouc Bel Air environnement et de la sensibilisation des maires, dont certains ont portés plainte, comme on l’a vu plus haut. Le repreneur sera ainsi confronté à cette force publique et à la justice qui sera saisie.
Handicap de constituer une provision de remise en état.
Le nombre d’usines en France qui ont « déposé le bilan » est considérable. Leurs déchets pollués et polluants sont restés en l’état et leur élimination pour raison de santé publique se trouve donc à la charge de l’Etat ou de collectivités régionales ou locales.
On a un exemple parfait avec l’ancienne usine Legré Mante, au sud de Marseille, à l’entrée du Parc national des Calanques, qui fait l’objet actuellement d’une plainte sous l’impulsion des associations locales.
Il sera par conséquent demandé au repreneur de constituer une provision de remise en l’état, dans le cas où il ne parviendrait pas à résoudre tous ces problèmes. Ce doit être une condition fondamentale et préalable à l’acceptation de la reprise.
Qui osera !
Avec de tels déficits, avec de telles contraintes, avec de telles menaces, avec de telles déterminations des habitants, des associations et des municipalités, on se demande qui osera investir dans de telles conditions !
Fait à Marseille le 25 juin 2020.
Professeur Henry Augier
Président d’Union Calanques Littoral